29 avril 1837
30 septembre 1891
Boulanger, Georges-Ernest-Jean-Marie (1837-1891)
Boulanger, Georges (1837-1891 ; général)
Georges Boulanger (1837-1891) naît à Rennes le 29 avril 1837. Fils d’Ernest Boulanger, un bourgeois breton avoué à Bourg-des-Comptes, et de Mary Ann Webb-Griffith de Claneravon, une noble galloise, il grandit en Bretagne et fait ses études au lycée de Nantes. Il y rencontre Georges Clemenceau (1841-1929) dont il est le condisciple entre 1848 et 1853.
En 1854, Boulanger entre à Saint-Cyr (promotion Crimée-Sébastopol). Il y rencontre Arthur Dillon (1834-1922). Le 1er octobre 1856, Georges Boulanger sort de Saint-Cyr, classé 138e sur 416 élèves. Il entame alors une brillante carrière militaire en participant à la campagne de Kabylie. Combattant courageux, proche de ses hommes, Boulanger est gravement blessé le 3 juin 1859, à la veille de la bataille de Magenta. Sa bravoure est récompensée par la Légion d’honneur. Élevé au grade de lieutenant le 28 mars 1860, Boulanger s’illustre à nouveau durant la campagne de Cochinchine (1861-1864), durant laquelle il est blessé d’un coup de lance à la cuisse. Il est nommé capitaine en juillet 1862. De retour en France, Georges Boulanger épouse sa cousine, Lucie Renouard (1837-1909), le 22 février 1865 à Neuchâtel (Aisne). De cette union naît deux filles : Hélène Marie (1865-1944) et Marcelle (1868-1935).
Jugé « capable, intelligent, zélé et actif » par ses supérieurs, Boulanger poursuit son ascension dans la hiérarchie militaire et devient instructeur à Saint-Cyr le 3 janvier 1867. Chef de bataillon puis lieutenant-colonel en novembre 1870, Boulanger est élevé à la dignité d’officier de la Légion d’honneur le 8 décembre 1870 suite à une blessure reçue à l’épaule lors de la bataille de Champigny (29 novembre-3 décembre 1870). Promu colonel en janvier 1871, Boulanger prend le commandement du 114e régiment de ligne et participe à la répression de la Commune. C’est à la tête de ce régiment qu’il entre dans Paris le 22 mai et reprend la gare Montparnasse aux Communards. Officier docile, Boulanger n’hésite pas à charger les barricades des faubourgs révoltés mais, alors que le 114e est sur le point de prendre le Panthéon, il est blessé au coude gauche le 24 mai et ne participe pas à la Semaine sanglante. Cité dans le rapport du maréchal Mac Mahon, Boulanger est nommé Commandeur de la Légion d’honneur. Son ascension étant jugée trop rapide par sa hiérarchie, Boulanger est rétrogradé lieutenant-colonel le 25 novembre 1871 par la commission de révision des grades puis nommé au 109e régiment d’infanterie en décembre 1871. Boulanger devient ensuite commandant en second du 133e régiment d’infanterie de ligne. Il retrouve le grade de colonel en novembre 1874 et prend le commandement du 133e régiment d’infanterie de ligne sous les ordres du duc d’Aumale. Officier de valeur, respectueux des usages, Boulanger a le goût du paraître et soigne particulièrement ses relations, surtout celles qui pourront lui permettre de réaliser ses ambitions. Ainsi, le 29 avril 1880, Boulanger est nommé général de brigade grâce à l’appui de Léon Gambetta et du duc d’Aumale. Il devient alors le plus jeune général de l’armée française.
Le 21 juillet 1880, le général fraîchement nommé obtient le commandant de la 14e brigade de cavalerie à Valence. Le 5 octobre 1881, Boulanger représente la France à la tête de la mission militaire invitée à commémorer le centenaire de la bataille de Yorktown. Le 16 avril 1882, le général Boulanger entre au ministère de la Guerre en tant directeur de l’Infanterie. C’est à cette époque qu’il se noue d’amitié avec Félix Granet, député radical des Bouches-du-Rhône. Le 18 février 1884, Boulanger devient général de division et reçoit le commandement des troupes d’occupation en Tunisie. Le 30 mars 1885, à la suite de l’affaire du Tonkin, le gouvernement Ferry tombe. Le 4 avril 1885, le général Boulanger est approché pour diriger le ministère de la Guerre. Mais, Ernest Constans échouant à former un cabinet, cette proposition reste sans suite.
Quelques mois plus tard, Georges Clemenceau impose son ancien condisciple à Charles de Freycinet, chargé de former un nouveau cabinet par le président de la République. Le 7 janvier 1886, Boulanger devient ainsi ministre de la Guerre dans le gouvernement Charles de Freycinet et retrouve Félix Granet, ministre des Postes et Télégraphes. Même s’il a largement contribué à sa nomination, Clemenceau se méfie de la soif de popularité de Boulanger et surveille son action à la rue Saint-Dominique. À son arrivée à la tête du ministère de la Guerre, le général Boulanger est encore inconnu du grand public, mais les circonstances vont bientôt lui donner l’occasion de figurer au premier plan. Consciencieux, dynamique et résolument tourné vers l’avenir, le général Boulanger accélère la modernisation de l’armée française. Il met tout d’abord en œuvre une série de réformes militaires qui le rendent populaire auprès des soldats : suppression des dispenses militaires pour les ecclésiastiques et les jeunes bourgeois faisant des études, amélioration de l’ordinaire des soldats avec le remplacement de la paillasse par le sommier et l’installation de réfectoire imposant l’usage des assiettes, et modernisation de l’armement avec l’introduction du fusil Lebel [1]. La popularité grandissante de Boulanger dépasse bientôt le seul milieu militaire pour gagner l’ensemble de la population. Boulanger parvient ainsi à régler la crise des mines de Decazeville sans que l’armée ne tire sur les manifestants, ce qui le rend populaire à gauche. Les journaux radicaux célèbrent alors le jeune général républicain. La loi du 22 juin 1886 qui interdit le séjour sur le territoire national « aux chefs des familles ayant régné sur la France et leurs héritiers directs » et prévoit leur exclusion de l’armée donne à Boulanger l’occasion de confirmer sa réputation de général républicain. Il fait ainsi aussitôt rayer des cadres de l’armée le prince Victor, le prince Murat, le comte de Paris et son ancien protecteur, le duc d’Aumale. La popularité de Boulanger atteint son apogée avec la revue du 14 juillet 1886 qui célèbre le retour de l’expédition du Tonkin. Le général y apparaît, caracolant sur son cheval noir, sanglé dans un dolman turquoise à baudrier noir et couvert de décorations. Sa prestance marque les esprits : c’est le début de la légende célébrée par la chanson de Paulus, « En revenant de la revue ».
Le gouvernement Freycinet tombe le 3 décembre 1886. Boulanger conserve son portefeuille dans le cabinet de René Goblet. Le général multiplie les provocations et s’illustre notamment lors de l’affaire Schnaebelé par son attitude belliqueuse à l’égard de l’Allemagne. L’affaire Schnaebelé est un grave incident diplomatique qui éclate le 20 avril 1887 suite à l’arrestation en territoire allemand d’un commissaire français, Guillaume Schnaebelé, accusé d’espionnage. Les discours revanchards du général Boulanger, qui se déclare prêt à décréter la mobilisation générale, font monter la tension entre la France et l’Allemagne. Après des échanges diplomatiques entre les deux pays, Bismarck fait finalement classer l’affaire et libère le commissaire le 30 avril. L’affaire Schnaebelé, largement relayée dans les journaux, érige Boulanger en « général Revanche ». Pour la grande majorité des Français, Boulanger a défendu l’honneur national en faisant reculer Bismarck. Mais les tendances belliqueuses de Boulanger, saluées par la presse, inquiètent le gouvernement qui saisit l’occasion de la chute du cabinet Goblet, le 17 mai 1887, pour l’écarter du pouvoir. Boulanger est remplacé par le général Ferron dans le cabinet formé par Maurice Rouvier.
Le 23 mai 1887, le mouvement boulangiste apparaît sur la scène politique lorsque, à l'appel de Rochefort, environ 39 000 électeurs ajoutent le nom de Boulanger sur le bulletin du candidat radical Mesureur au cours d’une élection partielle à Paris. Boulanger étant toujours officier d’active, il n’est pas éligible. Mais le gouvernement prend la mesure de la menace représentée par le général et le limoge en le nommant, le 29 juin 1887, à la tête du 13e corps d’armée à Clermont-Ferrand. Le jour de son départ, le 8 juillet 1887, plus de 8000 personnes répondent à l’appel d’Henri Rochefort dansL’Intransigeanten envahissant la gare de Lyon et en célébrant leur héros à grand renfort de cris de « vive Boulanger » et « il reviendra ». Clemenceau déplorant la personnalisation du débat politique, cet épisode marque la rupture avec Boulanger. Désormais, le « parti » radical n’apportera plus son soutien au général Revanche qui se retrouve isolé sur l’échiquier parlementaire. Toutefois, devant l’extrême popularité de Boulanger, plusieurs députés de la gauche et de l’extrême-gauche en ont fait leur champion. À l’été 1887, le mouvement boulangiste est en marche ; Paul Déroulède, Alfred Naquet, Francis Laur, Charles-Ange Laisant et Georges Laguerre formant déjà un véritable état-major politique.
En novembre 1887, le scandale des décorations éclabousse le président de la République, Jules Grévy, dont le gendre est mêlé à l’affaire. En plein milieu de la crise présidentielle, Boulanger se rend incognito à Paris. Les 28, 29 et 30 novembre 1887 ont lieu les « Nuits historiques » durant lesquelles des conciliabules se tiennent entre divers chefs radicaux et Boulanger en vue d’empêcher l’accession de Ferry à la Présidence de la République. C’est aussi à cette occasion que Boulanger noue les premiers contacts avec les monarchistes, notamment le baron Armand de Mackau, président de l’Union des droites. Grévy démissionne le 2 décembre. Sadi Carnot est finalement élu le 3 décembre 1887 après que les radicaux aient sacrifié leur candidat, Charles de Freycinet, pour rabattre leurs voix sur ce républicain modéré afin d’empêcher l’accession de Jules Ferry au pouvoir. Après l’échec de René Goblet, Pierre Tirard réussit à former un nouveau gouvernement. Boulanger voit alors le ministère de la Guerre lui échapper au profit du général François Logerot.
Boulanger poursuit ses contacts avec les monarchistes. Ainsi, le 2 janvier 1888, il rend secrètement visite au prince Jérôme-Napoléon à Prangins (Suisse). Ce dernier lui apporte le soutien bonapartiste. Mais plus encore que les suffrages des monarchistes, c’est leur argent qui est absolument indispensable à Boulanger pour financer son aventure politique. Le général bénéficie ainsi du soutien des orléanistes et des largesses de la duchesse d’Uzès qui le finance au nom du comte de Paris. L’influence des conservateurs s’incarne dans le « Comité des sept », c’est-à-dire les sept interlocuteurs monarchistes de Boulanger que sont Martimprey, le baron Armand de Mackau, le marquis de Beauvoir, le marquis de Breteuil, Jacques Piou, Paul de Cassagnac et Albert de Mun.
L’ampleur du mouvement boulangiste s’accroît ensuite grâce à la pratique du plébiscite. Le 26 février 1888, Thiébaud, un bonapartiste, pose la candidature de Boulanger à sept élections partielles . Le nom du général réunit un total de 55 000 voix, mais étant toujours en activité, il est inéligible. Ces élections marquent le début d’une campagne plébiscitaire fructueuse qui prend fin en avril 1888 . En parallèle, s’inspirant des campagnes électorales américaines, Arthur Dillon orchestre la propagande du mouvement en dirigeant la promotion d’un ouvrage intituléLe général Boulanger jugé par l’ennemi.
La réaction du gouvernement aux candidatures répétées de Boulanger ne se fait pas attendre. Le 14 mars 1888, le général est mis en non activité par retrait d’emploi pendant trois ans pour être venu à Paris à trois reprises sans ordre. Cela ne l’empêche pas de poursuivre son action. Le 18 mars 1888 est créé le Comité de Protestation nationale qui a pour fonction de patronner les candidatures du général aux élections. Le mouvement s’attaque à la Constitution de 1875, présentée comme la source de tous les maux, et adopte le slogan de « Dissolution, Révision, Constituante ». Le printemps 1888 marque donc l’apparition d’un véritable mouvement politique avec un parti, des organisations annexes (Ligue d’action républicaine, Fédération républicaine révisionniste, etc.) et des comités. Le 25 mars, Boulanger arrive largement en tête du premier tour des élections législatives partielles dans l’Aisne. Exaspéré par ce général turbulent, le ministre de la Guerre prend des sanctions disciplinaires ; Boulanger est mis en retraite le 27 mars 1888 : il ne fait plus partie de l’armée française, mais il est désormais éligible.
Les succès aux élections partielles s’enchaînent : Boulanger est élu député de Dordogne le 8 avril 1888, député du Nord le 15 avril 1888 et il arrive en tête des scrutins dans le Nord, la Somme et la Charente-Inférieure le 19 août 1888. Aussitôt élu dans un département, Boulanger démissionne afin de se présenter dans d’autres départements et organiser ainsi un plébiscite sur son nom. Député peu assidu, Boulanger est rarement présent à la Chambre. Le 4 juin 1888, il dépose un projet de Constitution qui est rejeté par 377 voix contre 186. Le 12 juillet 1888, après avoir demandé la dissolution de la Chambre des députés, Boulanger démissionne de sa charge de député du Nord.
Le boulangisme atteint son apogée le 27 janvier 1889 avec la victoire éclatante de son chef à Paris. Enthousiasmés par la foule qui se masse devant le restaurant où Boulanger fête sa victoire, ses partisans poussent le général à faire un coup d’État ; mais ce dernier s’y refuse.
Malgré ses succès, des tensions se font jour au sein du mouvement boulangiste. L’attitude ambiguë de Boulanger divise son état-major. En effet, financé par les monarchistes, le général promet aux orléanistes de restaurer la monarchie et s’engage auprès des bonapartistes à favoriser l’appel au peuple tout en assurant le Comité républicain national qu’il est toujours républicain.
Après s’être montré impuissant face à la montée du mouvement boulangiste, le gouvernement entame une campagne de répression qui pousse Boulanger à commettre une erreur politique : le général, craignant d’être arrêté, fuit en Belgique le 1er avril 1889. L’état-major boulangiste accepte d’endosser la responsabilité de la fuite de Boulanger pour préserver son image. Mais la crédibilité du chef est atteinte et le mouvement perd plusieurs soutiens à droite comme à gauche. Ainsi, les radicaux Susini et Michelin quittent le Comité pour marquer leur désapprobation et la duchesse d’Uzès prend ses distances avec Boulanger. Le 4 avril 1889, l’immunité parlementaire de Boulanger est levée. Dillon, Rochefort et Boulanger sont inculpés de complot et d’attentat à la sûreté de l’État. À partir de cette date, Boulanger ne s’adresse plus à la France que par les proclamations et les lettres envoyées aux membres de l’état-major. Le 24 avril, Boulanger quitte Bruxelles pour Londres.
L’exil de Boulanger marque la fin des succès électoraux. L’opinion est déçue par sa fuite et le rétablissement du scrutin d’arrondissement et l’interdiction des candidatures multiples participent à l’affaiblissement du boulangisme.
Le 14 août 1889, Boulanger, Dillon et Rochefort sont reconnus coupables de complot par le Sénat réunit en Haute Cour de justice. Ils sont condamnés par contumace à la déportation à vie dans une enceinte fortifiée. Privés de leurs droits citoyens, ils deviennent inéligibles.
À la veille des élections législatives générales de septembre 1889, le mouvement est totalement désorganisé. De plus, les mesures prises concernant le mode de scrutin des élections législatives obligent le Parti national à s’allier ouvertement avec la Droite pour présenter des candidats dans toutes les circonscriptions, ce qui compromet l’image républicaine du boulangisme. Les élections législatives générales de 1889 marquent ainsi le déclin du mouvement : sur 576 sièges les boulangistes n'en obtiennent que 44. Élu dès le premier tour dans le 18e arrondissement, l’élection de Boulanger est invalidée par Constans. À l’issue des élections, Boulanger rompt définitivement avec les monarchistes, après que le comte de Paris ait décidé de couper tout soutien financier au Comité républicain national, et oriente son mouvement vers une ligne franchement républicaine. Mais le boulangisme est moribond et les élections municipales du 27 avril 1890 confirment la débâche.
Le 29 avril 1890, Laguerre, Naquet, Déroulède et Laisant rompent avec le général Boulanger. Le 14 mai, Boulanger demande la dissolution du Comité républicain national qui est officiellement proclamée le 21 mai 1890.
En août 1890, la publication desCoulisses du boulangismede Mermeix révèlent au grand public la collusion de Boulanger avec les monarchistes et achèvent de le discréditer. Malgré ses tentatives, Boulanger ne jouera plus aucun rôle politique.
Réfugié en Belgique, il se suicide le 30 septembre 1891 sur la tombe de sa maîtresse, Marguerite de Bonnemains, au cimetière d’Ixelles.
[1] Le fusil modèle 1886 ou fusil Lebel est adopté par l’armée française en mai 1887. Ce fusil peut contenir dix cartouches et, pour la première fois, l’ancienne poudre noire est remplacée par la poudre sans fumée à base de nitrocellulose.
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