1940
1944
SDPG
France. Service diplomatique des prisonniers de guerre (1940-1944)
L'organisation du S.D.P.G. était la suivante : de l'Ambassadeur qui avait auprès de lui un Secrétariat particulier, dépendaient un Service de Presse, un Service administratif, le Cabinet et les Services de la Correspondance privée.
Les archives des trois premiers services ne nous sont pas parvenues.
Le Cabinet de l'Ambassadeur comprenait en premier lieu un Bureau d'Etudes dans lequel s'était fondu l'ancien Bureau militaire provenant de la dissolution de la Sous-Commission Prisonniers de Guerre de la Délégation de Wiesbaden. Ce bureau étudiait les questions importantes, préparait les éléments de négociation avec l'O.K.W., centralisait tous les rapports avec les autorités allemandes à Paris. C'est lui qui intervenait au titre de la Puissance protectrice, soit directement à Paris, soit par l'intermédiaire de la Délégation de Berlin. Celle-ci, à son tour, agissait auprès des commandants de camps ou du Ministère des Affaires Etrangères allemand.
Du Cabinet dépendaient :
1) le Service des libérations et Congés de captivité (L.C.C.), service purement administratif chargé d'étudier les dossiers qui lui étaient transmis, d'opérer les vérifications nécessaires, de les complèter au besoin avant de les remettre aux représentants de l'O.K.W. à Paris.
2) Les services spéciaux de la Puissance protectrice : un Service de l'Inspection des camps à Paris (I.C.) s'occupait des Frontstalags, (camps de France où étaient détenus les indigènes), un Service juridique (A.J.) suivait les affaires judiciaires et assurait la défense des prisonniers déférés devant les tribunaux allemands, un Service de la Correspondance avec les Hommes de Confiance des Camps (H.C.) centralisait tous les documents officiels à transmettre aux intéressés par l'intermédiaire des Hommes de confiance et assurait en outre avec ces derniers une volumineuse correspondance.
3) Un Service des traductions et des laissez-passer complétait l'ensemble.
Les Services de la Correspondance privée étaient divisés en trois sections : le "tout-venant" qui répondait tant aux familles, aux personnalités diverses, qu'aux prisonniers eux-mêmes ; le Service des "cas douloureux, réclamations et recherches de disparus" ; le Service médical qui faisait les démarches nécessaires auprès des autorités allemandes pour demander, au titre de la Convention de Genève, le rapatriement des prisonniers malades dont les familles avaient signalé le cas au S.D.P.G. Enfin, un Service de réception était installé à la Maison du Prisonnier de la Seine.
La Délégation de Berlin du Service diplomatique, constituée à Paris le 8 décembre 1940, avec cinq personnes, dont M. BENOIST-MECHIN et le Médecin-Commandant BRUCKER partit pour Berlin le 12 décembre suivant, sans qu'aucun chef ait été nommément désigné.
A la suite d'un conflit entre M. BENOIST-MECHIN et le Commandant BRUCKER, Scapini divisa les attributions : une partie, dite Schutzmacht ou Nation protectrice, fut confiée au Ct Brucker, la seconde, dite psycho-politique, qui comprenait l'aide morale et psychologique aux prisonniers, ainsi que les négociations avec les autorités allemandes, fut réservée à M. Benoist-Méchin, la prédominance de l'un sur l'autre n'étant pas fixée.
L'installation était prévue au Consulat général de France à Berlin, mais celui-ci nécessitait de telles réparations que la Délégation s'établit provisoirement à l'Hôtel Continental où elle demeura jusqu'au 24 février 1941 ; les délégués ne purent loger au Consulat qu'à partir du 30 mai. Entre le 22 et le 24 novembre 1943, l'immeuble du Consulat, sévèrement atteint par deux bombardements, devint inhabitable, l'Ambassade de France fut entièrement détruite. Scapini et la D.S.O.F.A. s'installèrent au château de Cunersdorf par Wriezen, la Délégation à Letschin par Kustrin, à 80 km à l'est de Berlin. Une permanence continua à fonctionner à Berlin à l'Hôtel Adlon avec le Commandant Brucker qui représentait les deux organismes. Devant l'avance russe, la Délégation dut quitter Letschin le 31 janvier 1945 et fut relogée à Saalfeld-sur-Saale. La vie devenant impossible à Saalfeld en raison de la fréquence croissante des alertes, le Général BRIDOUX songea à la replier à Sigmaringen où se trouvait déjà le S.D.P.G. Finalement elle s'installa à Buch-am-Erlbach au début d'avril, peu de temps avant la fin des hostilités.
Les premiers mois, la Délégation connut des difficultés de toutes sortes résultant de l'atmosphère politique et de questions matérielles. Les conditions de visite dans les camps se révèlèrent extrêmement difficiles, l'O.K.W. refusant les entretiens, ne répondant pas aux lettres, interdisant toute correspondance avec les Hommes de confiance. La liaison avec Paris présentait, en outre, un caractère des plus précaires.
Le 27 février 1941, M. Benoist-Méchin fut nommé Sous-secrétaire d'Etat à la Vice-Présidence du Conseil et quitta Berlin pour la France avec un des délégués. Restaient alors à Berlin trois délégués et cinq dactylos.
Le Commandant Brucker prit la tête de la Délégation jusqu'à son rappel à Paris le 7 août et fut remplacé par le Capitaine de réserve DUNAND. On rechercha des délégués de tous côtés. Devant la difficulté de recrutement en France, l'Ambassadeur obtint de l'O.K.W. de faire sortir des camps des prisonniers jugés capables de remplir ce rôle ; le nombre des délégués passa peu à peu à cinq, puis à douze et l'activité de la Délégation s'accrut parallèlement.
De mai à Septembre 1942, à la suite de l'évasion du Général GIRAUD, la délégation se vit interdire toute visite dans les camps. La difficulté fut parée par la création des officiers-conseils dont une première équipe avait été mise en place à la fin d'avril. Ces officiers-conseils, véritables représentants permanents de la mission Scapini dans chaque Wehrkreis (régions militaires allemandes), veillèrent à l'application de la Convention de Genève dans les camps.
En octobre 1942, le Colonel LAUREUX succéda au Capitaine Dunand, il fut relevé de ses fonctions par le Général Bridoux le 5 décembre 1944 et remplacé par le Colonel OUDARD, qui, assisté du Commandant REUILLY, dirigea la Délégation jusqu'à la fin.
En théorie, la mission de la Délégation se bornait exclusivement à l'inspection des camps de prisonniers et des détachements de travail en Allemagne, elle veillait à l'application de la Convention de Genève, effectuait enquêtes et interventions. En fait, elle étendit largement ses attributions : la correspondance avec les Hommes de confiance fut autorisée à partir de mai 1941, un Bureau médical et un Bureau universitaire furent créés, des efforts furent faits pour obtenir l'amélioration des conditions d'existence matérielle des prisonniers.
Son Service juridique assurait, en liaison avec celui de Paris, la protection des prisonniers accusés de délits divers et leur assistance par des avocats allemands ; il veillait aux conditions normales de détention, à la régularité de la procédure, protestait contre les peines trop élevées, formulait les recours en grâce.
Pratiquement, elle fut le principal organe d'information du Service diplomatique auquel elle faisait connaître les résultats de ses inspections sous forme de rapports : rapports dits "de Schutzmacht" intéressant toutes les questions matérielles des camps ; rapports dits "psychologiques" concernant l'état moral des prisonniers et leurs réactions devant les problèmes politiques ; rapports dits "Besson", c'est-à-dire adressés aux services du Général Besson concernant la réception et la distribution des secours collectifs envoyés de France ; rapports sanitaires ; rapports universitaires.
D'autre part, un Service d'Information analysait et condensait l'ensemble des renseignements techniques provenant de Paris ou des services allemands de Berlin dans un "Bulletin d'information des délégués" qui parut chaque semaine, à partir du 15 juin 1941.
De par sa situation même, la Délégation assumait une mission de liaison avec les services de Paris et jouait le rôle de plaque tournante entre l'Ambassadeur et les prisonniers. Elle entretenait également des rapports suivis avec les fonctionnaires de la Dienststelle Ribbentrop et les autorités militaires allemandes qui s'occupaient des prisonniers de guerre.
C'est la Délégation de Berlin qui, après la libération du territoire français, continua à assumer le rôle de puissance protectrice et veilla autant que possible sur les prisonniers, notamment en continuant à s'occuper des affaires judiciaires.
Organigramme
Personnel des cadres du Service diplomatique des Prisonniers de Guerre (S.D.P.G.)
Secrétariat particulier de l'Amabassadeur, chef Mlle DADIANI
Service de presse, chef M. CROSICIA
Service administratif, directeur M. THIRION.
A. Cabinet, 47 rue Cortambert
Directeur : M. Jean DESBONS
Officier de liaison : Capitaine ROUSSANNE.
1. Bureau d'Etudes (B.E.) 47, Cortambert, chef Capitaine ROUSSANNE.
2. Service des Libérations (L.C.C.), 55 rue Cortambert, chef M. FORT.
3. Service de l'Inspection des camps (I.C.), 44 rue de la Faisanderie, chef Médecin Commandant BONNAUD.
4. Service juridique (A.J.), 44 rue de la Faisanderie
5. Bureau de la Correspondance avec les Hommes de confiance (H.C.), 44 rue de la Faisanderie, chef M. FORT.
6. Bureau de traduction et des laissez-passer, 47 rue Cortambert, chef M. KOCH.
B. Services de la Correspondance privée, 55 rue Cortambert et 79 rue de la Tour, chef M. LE COURET :
"Tout venant"
"Cas douloureux", réclamations et recherches
Service médical
Service de réception à la Maison du Prisonnier de la Seine, 1 place Clichy.
C. Délégation de Berlin. (D.F.B.)
Service PP (Puissance protectrice) : PP 1 rapatriement, transformation, transmission de pièces. PP 2 questions militaires, dossier des délégués pour visite des camps. PP 3. matériel auto, correspondance, colis, décès, évasions, défense passive, bombardements.
Section d'information (S.I.)
Bureau universitaire (B.U.)
Service juridique (S.J.)
Bureau médical (B.M).
Bureau des Sports (B.S.)
Service des traductions
Comptabilité
Magasin et matériel auto.
Le Service diplomatique des Prisonniers de guerre, plus connu sous le nom d'Ambassade Scapini, dépendait directement du Maréchal Pétain, chef de l'Etat, qui, en fait, avait délégué ses pouvoirs au Ministre de la Guerre. Mais, au point de vue administratif, son budget défini par le décret du 23 juin 1941, relevait du Ministère des Affaires Etrangères. Dans les rapports avec les autorités allemandes, il avait comme seule voie officielle l'Ambassade d'Allemagne à Paris, qui servait d'intermédiaire avec le Militärbefehlshaber in Frankreich pour les questions relatives aux prisonniers restés en France et aux prisonniers en congé de captivité, et avec l'O.K.W. (Oberkommando der Wehrmacht) à Berlin dont la Section administrative avait la charge des prisonniers de guerre en Allemagne ; la correspondance avec l'O.K.W. se faisait sous le couvert de l'Auswärtiges Amt (Ministère des Affaires Etrangères allemand).
Lors de l'ouverture des hostilités entre la France et l'Allemagne, en septembre 1939, la protection des biens et intérêts français en Allemagne fut confiée aux représentants diplomatiques et consulaires des Etats-Unis dans le Reich.
En ce qui concerne les prisonniers de guerre, la Commission allemande d'Armistice règla avec la Délégation française de Wiesbaden le sort des prisonniers allemands que la France dut rendre immédiatement. Le 10 septembre 1940, l'opération terminée, la Commission allemande décida la dissolution de la Sous-Commission Prisonniers de guerre et fit savoir à la France que dorénavant celle-ci devrait adresser à sa puissance protectrice, les Etats-Unis, ses réclamations au sujet du traitement des prisonniers, la Commission allemande n'acceptant plus désormais que les notes traitant de questions hors du ressort de la Convention de Genève. En fait, la Délégation de Wiesbaden continua à échanger régulièrement des notes avec la Sous-Commission allemande qui s'intitula, à partir du 16 octobre, Section des Prisonniers de Guerre.
D'autre part, le Gouvernement français, tout en maintenant son action primitive au moyen de sa Délégation auprès de la Commission allemande d'Armistice, avait déjà cherché à renforcer cette action par l'intermédiaire du député Scapini qui, par décret du 20 août 1940, avait été chargé "de traiter avec le Gouvernement allemand les questions relatives aux prisonniers de guerre". Les Etats-Unis continuaient, quant à eux, leurs inspections des camps de prisonniers (Nous ne possédons pas les archives de la Puissance protectrice. On trouvera dans les liasses F/9/2879-2880 quelques rapports de visites de camps.).
Finalement, le 16 novembre 1940, l'accord de Berlin intervenu entre les gouvernements français et allemand fit de la France sa propre puissance protectrice en ce qui concerne les prisonniers de guerre, les autres intérêts français en Allemagne restant sous la protection des Etats-Unis. D'abord simple chargé de négociations, Scapini, nommé Ministre plénipotentiaire, puis Ambassadeur de France, devint chef du Service diplomatique des Prisonniers de Guerre, seul habilité pour négocier avec le Gouvernement allemand toutes les questions touchant les prisonniers. Les dispositions relatives au transport des malades et grands blessés rapatriés d'Allemagne par la Suisse, continuaient toutefois à être communiquées par la Commission allemande d'Armistice à la Délégation française de Wiesbaden.
Le Service diplomatique était installé à Paris et avait à Berlin, une Délégation à l'Inspection des camps, dite Délégation de Berlin. Les attributions de la Sous-Commission Prisonniers de guerre de la Délégation de Wiesbaden, dissoute le 31 janvier 1941, lui furent transférées.
Le rôle de Scapini était double et la situation assez paradoxale : en tant que représentant de la Puissance protectrice, il était chargé de faire respecter les stipulations de la Convention de Genève ; d'autre part, négociateur de la Puissance d'origine, il devait obtenir de l'Allemagne toutes les mesures susceptibles d'améliorer le sort des prisonniers de guerre, notamment les libérations et les mises en congé de captivité anticipées.
De plus, à la suite de la rupture des relations diplomatiques entre les Etats-Unis et le Reich, à la fin de 1941, ce qui laissait sans défense les intérêt français en Allemagne, l'accord du 6 février 1942 décida la création à Berlin - sous la direction de Scapini et à côté de la Délégation pour les prisonniers de guerre - d'un service qui s'occuperait des travailleurs français en Allemagne. Peu après, le Gouvernement du Reich donna son agrément à l'extension de la compétence de l'Ambassadeur à la protection des biens immobiliers de l'Etat français situés dans le Reich, le Gouvernement général de Pologne et le Protectorat de Bohême-Moravie, à l'exclusion des autres régions occupées par l'Allemagne.
La Direction des Services Officiels Français (D.S.O.F.A.) ainsi créée en Allemagne et installée dans les locaux de l'Ambassade de France à Berlin étendait donc sa protection sur les prisonniers de guerre et travailleurs français et les biens immobiliers de l'Etat français : en étaient exclus notamment les ressortissants français se trouvant en Allemagne au moment de la guerre et ceux qui, arrêtés en France, furent transférés en Allemagne par les autorités d'occupation (déportés). Les biens des particuliers furent placés sous séquestre. Très rapidement, la protection des travailleurs fut assurée, non plus par Scapini, mais par le Commissariat général à l'Action sociale pour les Français travaillant en Allemagne sous la direction de Bruneton.
La protection des prisonniers de guerre fut assurée de façon absolument continue. Après la démission du Gouvernement français, en août 1944 et le transfert du Maréchal Pétain à Sigmaringen, Scapini refuse de reconnaître la "Commission Gouvernementale française pour la défense des intérêt nationaux", créée à Sigmaringen par Brinon. Il déclara assumer ses fonctions de manière provisoire, uniquement en tant que représentant de la Puissance protectrice et fit appel à la Suisse comme nouvelle Nation protectrice. Par lettre, en date du 29 novembre 1944, les Autorités allemandes s'opposèrent à cette tentative et signifièrent à l'Ambassadeur qu'ils ne le considéraient plus dorénavant comme chef du S.D.P.G.
D'autre part, dès le début de septembre 1944, Brinon avait demandé au Général Bridoux, Ministre de la Guerre à la Commission gouvernementale, d'assumer la charge des intérêts des prisonniers de guerre, autrement dit de remplacer Scapini. Le 28 octobre, deux mois après, les attributions du Général n'étaient toujours pas définies et il envoya à Brinon une lettre de démission ; mais le 10 novembre tout était arrangé et le Général envisageait de confier, sous sa direction, la succession de Scapini au Général Didelet. Finalement il prit en personne la tête du S.D.P.G. au début de décembre et celà jusqu'à la dissolution du gouvernement de Sigmaringen, marquée par le départ du Maréchal Pétain, le 21 avril 1946. Lui-même fut pris par les Américains à Augsbourg le 3 mai et dirigé sur la France le 28 juin.
Les services restés en France furent absorbés dès la Libération par le Ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés, que dirigeait M. Henri Frenay.
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